Publié le  par Philippe  | Mis à jour le

Apple attaque Bruxelles : interopérabilité, App Store et iMessage au cœur du conflit

Apple attaque Bruxelles : interopérabilité, App Store et iMessage au cœur du conflit

Après des mois de tensions, Apple passe à l’offensive. Le géant californien a déposé plainte contre l’Union européenne devant la Cour de justice de l’Union (CJUE), à Luxembourg. En ligne de mire : la loi sur les marchés numériques (DMA), que Cupertino juge « injuste, intrusive et dangereuse » pour la sécurité de ses utilisateurs. Un nouvel épisode d’une bataille ouverte entre la firme de Tim Cook et Bruxelles, sur fond de régulation des géants de la tech et de milliards d’euros en jeu.

Trois points d’attaque pour un même combat

Selon Bloomberg, la plainte s’articule autour de trois piliers. Le premier vise l’obligation imposée à Apple d’ouvrir certaines de ses technologies à la concurrence, notamment dans l’écosystème des accessoires connectés comme les montres et les écouteurs.

La Commission européenne exige en effet une interopérabilité complète : les AirPods devraient fonctionner sans friction avec des smartphones Android, et les Apple Watch pourraient, à terme, s’appairer à d’autres systèmes que l’iPhone.

Apple s’y oppose frontalement. Pour l’entreprise, ces mesures « affaiblissent la sécurité et la confidentialité des données », en donnant potentiellement accès à des informations sensibles à des tiers. Cupertino accuse même Meta d’avoir tenté d’utiliser le DMA pour obtenir un accès démesuré aux données personnelles des utilisateurs : messages, appels, photos, fichiers, et même mots de passe.

Le deuxième volet de la plainte concerne l’App Store. La firme estime que sa boutique d’applications ne doit pas être considérée comme un « service unique » au sens du DMA, et donc ne pas être soumise aux obligations imposées aux « gatekeepers » (gardiens d’accès).

Derrière cet argument juridique se cache un enjeu financier majeur : le DMA force Apple à autoriser les boutiques d’applications tierces et les moyens de paiement alternatifs, érodant la commission de 15 à 30 % prélevée sur les ventes et abonnements.

Enfin, Apple conteste la volonté de la Commission d’inclure iMessage dans le périmètre du DMA, au motif que le service ne génère pas directement de revenus. Une manière de protéger l’un des piliers de son écosystème fermé, face à des demandes d’interopérabilité venues d’acteurs comme Meta ou Google.

Apple dénonce des obligations “intrusives” et “disproportionnées”

Devant la Cour, l’avocat Daniel Beard a dénoncé un texte « imposant des charges extrêmement lourdes et intrusives », qui « ignore les droits de propriété et les questions vitales de confidentialité ».

Selon lui, Apple est visée de manière disproportionnée par la Commission, qui sous-estimerait les risques sécuritaires d’une ouverture trop large.

Une lecture totalement rejetée par Bruxelles. L’avocat de la Commission, Paul-John Loewenthal, accuse Apple d’exercer un « contrôle absolu » sur son écosystème, lui garantissant des « profits anormalement élevés » et créant un « jardin clos » qui enferme un tiers des utilisateurs européens de smartphones.

« Seule Apple détient les clés de cet univers. Elle décide qui peut y accéder, à quelles conditions, et comment les utilisateurs peuvent consommer les services numériques », a martelé le représentant européen.

Le DMA, catalyseur d’un conflit ancien

Ce recours judiciaire n’est que le prolongement d’un conflit de longue date entre Apple et l’Union européenne.

Depuis l’entrée en vigueur du DMA, en mars 2024, Cupertino a multiplié les critiques, affirmant que la loi provoquerait une « baisse de la sécurité et de l’innovation », et ferait peser un « retard technologique » sur les utilisateurs européens  notamment dans le déploiement de l’intelligence artificielle.

En avril dernier, la Commission européenne avait infligé à Apple une amende de 500 millions d’euros pour avoir empêché les développeurs de rediriger les utilisateurs vers des offres moins chères en dehors de l’App Store. La firme a depuis contesté cette sanction.

Une nouvelle plainte déposée par les défenseurs des libertés numériques

La pression ne vient pas que de Bruxelles. Deux ONG, Article 19 (Royaume-Uni) et la Société allemande pour les droits civils (GFF), ont déposé une plainte distincte contre Apple cette semaine, accusant la firme de ne pas se conformer pleinement au DMA.

Les associations s’en prennent particulièrement à une clause imposée aux développeurs souhaitant lancer leur propre boutique d’applications sur iOS : le dépôt de garantie (“Stand-By Letter of Credit”) d’un million d’euros.

Un montant jugé prohibitif pour les petites structures et contraire à l’esprit du DMA, censé ouvrir les marchés numériques à tous les acteurs, pas seulement aux géants du logiciel.

Apple se défend : “Des règles déroutantes et néfastes”

Apple, de son côté, dénonce une campagne de désinformation. Dans un communiqué cité par Reuters, l’entreprise estime que « la Commission européenne impose des conditions commerciales déroutantes pour les développeurs et mauvaises pour les utilisateurs ».

Elle affirme avoir proposé des assouplissements, refusés par la Commission, pour rendre ses conditions plus flexibles.

Mais Bruxelles reste inflexible, rappelant par la voix de Thomas Regnier que « rien dans le DMA n’oblige les entreprises à abaisser leurs standards de sécurité ou de confidentialité », estimant qu’Apple « ne cherche qu’à préserver son modèle économique ».

Vers un choc frontal devant la CJUE

Entre accusations de profits excessifs et menaces sur la confidentialité, le conflit entre Apple et l’Union européenne se transforme en une bataille de principe. Pour Bruxelles, il s’agit d’imposer une régulation effective aux géants du numérique et de garantir une concurrence loyale. Et pour Apple, la Commission outrepasse son rôle et met en péril l’équilibre d’un écosystème fondé sur la sécurité et la cohérence.

L’affaire sera examinée dans les prochains mois par la Cour de justice de l’Union européenne, dont la décision pourrait redéfinir durablement les rapports de force entre l’Europe et la Silicon Valley.

Une chose est sûre : cette guerre du DMA ne fait que commencer.

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