SFR bientôt vendu ? Altice relance les grandes manœuvres dans les télécoms

L’hypothèse d’une revente de SFR, longtemps évoquée puis étouffée, refait surface avec une insistance inédite. Dans un contexte européen marqué par une vague de consolidation des télécoms – en Espagne, en Italie ou au Royaume-Uni – la France pourrait, à son tour, basculer vers un scénario redouté autant qu’espéré : le passage de quatre à trois grands opérateurs. Au cœur de cette recomposition, la situation financière fragile d’Altice, maison mère de SFR, et les choix stratégiques de son fondateur, Patrick Drahi.
Altice : l’urgence d’un désendettement
Lourdement endetté depuis l’acquisition de SFR en 2014 par Numericable, le groupe Altice peine à redresser ses comptes. La récente restructuration financière annoncée en février 2025 a permis de ramener une dette de 24 à 15,5 milliards d’euros. Cette opération, incluant la cession de BFMTV, RMC et La Poste Mobile, ne suffit pas à apaiser les tensions sur les marchés. En toile de fond : une dette globale estimée à plus de 26 milliards d’euros pour Altice France.
Dans ce contexte, les spéculations se multiplient autour d’un projet de cession de SFR. Si Altice se garde bien de tout commentaire officiel, plusieurs banques d’affaires et cabinets spécialisés auraient été mandatés pour étudier divers scénarios de vente. Un secret de polichinelle pour les acteurs du secteur : Patrick Drahi serait bel et bien vendeur.
Un marché télécoms sous tension
Deuxième opérateur télécoms de l’Hexagone, SFR a vu fondre sa base client : plus de deux millions d’abonnés perdus depuis 2023. Ce recul, dans un marché déjà saturé et ultra-concurrentiel, affaiblit la position de l’opérateur et précipite les réflexions sur son avenir.
Les règles européennes de concurrence complexifient néanmoins toute velléité de rachat par un acteur français. Une acquisition directe par Orange, leader historique, se heurterait à un veto certain de l’Autorité de la concurrence, tant française qu’européenne, en raison du risque de position dominante. De même, un rachat total par Iliad (maison mère de Free) ou Bouygues Telecom entraînerait la création d’un duopole, potentiellement déstabilisateur pour le marché.
Le scénario d’un démantèlement ciblé
Pour éviter un blocage réglementaire, un scénario alternatif, déjà esquissé lors des discussions avortées entre Orange et Bouygues en 2016, est désormais envisagé : une vente à la découpe des actifs de SFR. Chaque opérateur reprendrait une partie des réseaux, des marques ou des abonnés, selon ses intérêts stratégiques.
Bouygues Telecom, partenaire de SFR depuis 2014 via un accord de mutualisation des réseaux mobiles, semble le mieux placé pour racheter une part significative de l’infrastructure. Free pourrait s’intéresser à certains MVNO acquis par SFR (Syma, Prixtel, Coriolis), tandis qu’Orange pourrait lorgner sur des segments plus techniques comme les réseaux fibre ou les datacenters.
Des appétits venus de l’étranger
Une autre hypothèse, politiquement plus sensible mais techniquement plus fluide, serait une cession à un acteur étranger. Plusieurs groupes internationaux, tels que STC (Arabie Saoudite) ou Etisalat (Émirats Arabes Unis), ont déjà manifesté leur intérêt pour des investissements télécoms en Europe.
Une telle opération permettrait d’échapper aux contraintes imposées par la réglementation locale. Mais elle poserait des problèmes majeurs en matière de souveraineté numérique, surtout si des actifs stratégiques comme la fibre ou les infrastructures de backbone étaient concernés. Le gouvernement français pourrait alors intervenir pour bloquer ou encadrer la transaction, à l’image des tensions récentes en Espagne autour de STC et Telefonica.
Les clients au cœur des préoccupations
Avec près de 7 millions de clients mobiles et fixes, SFR joue un rôle central dans le paysage des télécommunications. Une revente – surtout si elle implique une répartition entre plusieurs acteurs – pourrait entraîner des hausses tarifaires, des changements d’offres ou de couverture, voire des migrations forcées.
Dans le secteur B2B, la consolidation pourrait également affecter la qualité de service, les solutions cloud ou les services managés. Pour les entreprises, comme pour les particuliers, les mois à venir s’annoncent donc cruciaux.
Un marché européen en mutation
La possible revente de SFR ne s’inscrit pas dans un simple cadre hexagonal. Elle reflète une tendance de fond sur le Vieux Continent, où les opérateurs cherchent à mutualiser leurs investissements et à restaurer leurs marges, longtemps mises à mal par la guerre des prix. En ce sens, la France pourrait devenir un laboratoire stratégique de la consolidation européenne, observé de près par Bruxelles et les régulateurs nationaux.
Un tournant historique pour les télécoms français
Si elle se concrétise, la vente de SFR pourrait marquer un tournant historique dans le secteur des télécommunications en France. Elle ne serait pas seulement une opération financière, mais une recomposition industrielle majeure, aux implications multiples : innovation, emploi, souveraineté numérique, accès aux services, etc.
Pour Patrick Drahi, ce serait aussi le signe d’un désengagement stratégique de la scène télécom française, après plus d’une décennie de présence et de polémiques. Pour les opérateurs, l’heure est à la manœuvre. Pour les consommateurs, à la vigilance. Les prochaines semaines seront donc décisives.