Quel rôle pour les opérateurs de réseaux mobiles dans les pays émergents ?
Alors que la pénétration mobile continue de progresser, PwC analyse les opportunités de croissance pour les MNO dans les pays émergents Avec l’arrivée de smartphones à bas coût, les terminaux connectés s’imposent progressivement dans les pays émergents et la demande en transfert de données s’accroît.
Cette situation rappelle celle des Etats-Unis ou de l’Europe occidentale il y a cinq ans. Dans les pays développés, les opérateurs de réseaux mobiles (MNO) se sont fait doubler par les fabricants de mobiles et autres « devices », ainsi que par les acteurs du software. Mais les opportunités restent intactes dans les pays émergents.
Selon PwC qui développe en France des missions d’audit, envisager les marchés numériques des pays émergents comme des réseaux interdépendants permet aux MNO à la fois d’accroître leur revenu grâce à la hausse de l’usage de données, et d’améliorer leur position dans la chaîne de valeur afin de générer de la croissance. Ils doivent notamment se positionner sur des niches comme la proposition de contenu local ou musical, et prendre une place sur le marché de la publicité mobile.
Entre le mobile et l’Internet mobile, il n’y a qu’un pas
Selon la Banque Mondiale, le taux de pénétration des abonnements mobiles en Afrique sub-saharienne est passé de 2% en 2001 à 53% en 2011. Le Moyen Orient et l’Afrique du Nord ont bondi de 5% à 99% sur la même période. La baisse des prix des smartphones -avec des appareils à moins de 100 dollars- favorise l’essor du mobile. En 2015, 340 millions d’appareils Android à moins de 150 dollars devraient être commercialisés dans le monde.
Les pays émergents ont développé de nouveaux usages du mobile, comme le mobile banking et l’usage d’applications en termes de santé par exemple. Améliorer la connectivité et rendre la communication plus abordable pour les populations permet de générer des bénéfices économiques importants : lorsque la pénétration Internet augmente de 10%, le PIB par habitant augmente quant à lui de 1,4%.
Selon Jean-Christophe Saunière, associé chez PwC, spécialiste de l’innovation, notamment en Afrique : « Au Kenya, 99% des abonnements à Internet proviennent du mobile. 84% des connexions Internet devraient passer par le haut débit mobile dans les régions émergentes d’ici 2016. Quand on sait qu’au Royaume Uni, les utilisateurs de smartphones passent en moyenne 16% de leur temps à téléphoner ou à envoyer des messages, contre 84% à surfer sur Internet et les réseaux sociaux, à écouter de la musique ou à jouer à des jeux, on se rend compte que les possibilités à terme pour les émergents sont immenses. »
Les fabricants de mobile ont une longueur d’avance par rapport aux opérateurs de réseaux en termes de contenu
A court terme, sans haut débit sur mobile, le contenu proposé aux clients repose avant tout sur la voix ou les SMS pour recevoir des informations. Or, depuis plusieurs années, la consommation de données devient plus variée et complexe grâce aux smartphones et au haut débit : dans ce cadre, la position de force des MNO s’érode.
L’Internet mobile a inversé le rapport de forces : plus que l’intelligence du réseau, où la connectivité était le mot d’ordre, c’est désormais le royaume du logiciel et du device, où délivrer du contenu devient critique. Dans ce nouveau contexte, les fabricants s’avèrent mieux placés pour offrir du contenu aux consommateurs. Les MNO risquent de perdre leur avantage et leur utilité face à d’autres acteurs de la chaîne de valeur.
D’après Jean- Christophe Saunière : « Il ne faut pas croire qu’il n’y a plus de place pour les MNO dans la fourniture de contenu. Mais ils vont cesser d’être les acteurs les mieux placés lorsque les SMS cesseront d’être l’outil principal et que d’autres contenus vont commencer à dominer grâce au haut débit mobile. L’agrégation et la publication de contenu vont vite devenir un segment hyper concurrentiel. Les MNO doivent repenser leur modèle économique pour fournir du contenu à leurs clients sous forme d’achat, de partenariat ou de co-construction. »
Le choix des MNO : créer, acheter ou collaborer pour prendre une place sur le marché de la publicité mobile
Les opérateurs de réseaux mobiles doivent se positionner sur des thèmes ou marchés de niche, par exemple en délivrant du contenu local ou en signant des accords avec des labels musicaux majeurs.
Autre opportunité : prendre une place sur le marché de la publicité mobile. C’est le meilleur moyen que possèdent les MNO pour renforcer leur position dans la chaîne de valeur. En Amérique latine, la publicité a augmenté de 9% par rapport à 2011 ; au Moyen Orient et en Afrique, la croissance atteint 23% par an. Dans ces trois régions, les revenus de la publicité mobile devraient continuer à croître de 65 à 70% par an jusqu’à 2015. Or, les MNO peuvent fournir les plateformes techniques nécessaires au développement de contenu.
« Dans les économies émergentes, où la pénétration des smartphones est faible mais progresse rapidement, les MNO devraient d’abord se concentrer sur leur capacité unique à dominer la publicité par SMS. La connaissance de la base client est une force que les MNO peuvent monétiser quand les annonceurs veulent cibler certaines géographies. Vodacom a réussi ce pari en Afrique du Sud par exemple, en autorisant les annonceurs à utiliser sa base de données pour créer des profils de clients spécifiques et ciblés. »
Le temps de communication, qui autorise l’octroi de minutes gratuites ou de data pour les utilisateurs contre de la publicité, remet les MNO au centre de la chaîne de valeur. Les opérateurs de réseaux mobiles doivent donc se demander comment ils peuvent développer une offre forte en publicité mobile haut débit, en développant, acquérant ou en créant un partenariat avec un réseau de publicité mobile.
« S’ils n’agissent pas maintenant, les opérateurs risquent de rater la promesse de nouveaux revenus grâce aux données » conclut Jean-Christophe Saunière.