Google sur le marché de la mobilité : une ascension inattendue ?
Il y a trois ans, en novembre 2007, Google annonçait le lancement de son système d'exploitation, Android. En janvier 2010, le géant du Web a lancé son Google Phone, le Nexus One. Aujourd'hui, à l'heure où le MWC (Mobile World Congress) 2011 se conclut, Google a-t-il réussi à s'imposer sur le marché des mobiles face à Apple et aux acteurs historiques comme RIM ou Nokia ? L'arrivée des tablettes comme la Motorola ou la Samsung semble confirmer que le géant du Web a adopté une stratégie gagnante. Son positionnement sur la TV vient-il conforter sa position pour des offres quadruple play ? Caroline Noublanche, Présidente de la société Prylos, spécialisée dans les solutions mobiles, propose un décryptage pour comprendre le positionnement de Google sur le marché de la mobilité.
Android : point sur une percée fulgurante
Après avoir bouleversé le marché de la téléphonie mobile et conquis des parts de marché considérables, l'iPhone d'Apple est désormais challengé par les smartphones ayant du " Google inside ". Numéro deux du marché derrière Nokia, le système Android a équipé un quart des smartphones vendus dans le monde (25%) au troisième trimestre 2010. 20 millions de "Google Phone" ont été achetés de juillet à septembre, contre 1,4 million un an plus tôt, soit un bond de 1.309%.
Le rythme des lancements de produits Android s'est considérablement accéléré en 2010, avec 172 références de mobiles Android disponibles à l'heure actuelle contre moins de 10 l'an dernier.
Le choix de lancer un système d'exploitation avait ralenti la pénétration du marché parce qu'il requérait l'adhésion d'une tierce partie, les constructeurs de terminaux mobiles. Désormais, ce choix s'avère payant et démultiplie la présence de Google sur le marché de la mobilité, notamment celui des tablettes numériques.
Encore inexistant il y a un an, ce marché devrait représenter 55 millions de tablettes vendues en 2011 dans le monde d'après le cabinet Gartner, contre 408 millions de PC. La progression des tablettes numériques est manifeste et annonce un combat homérique.
Après un lancement en mai 2010, l'iPad est le leader du marché mais fait face à une rude concurrence. La tablette Motorola Xoom a été la star du CES de Las Vegas. Outre la tablette Xoom, la Galaxy Tab de Samsung fait également parler d'elle. L'importance des tablettes chez le géant Google est réaffirmée avec l'annonce de la sortie de son nouveau système d'exploitation, Honeycomb, pour le premier trimestre 2011. Il succédera à Android 2.3 alias Gingerbread et sera une version optimisée pour les tablettes tactiles.
Les clés d'une stratégie gagnante
Tout d'abord, la politique de prix. En comparaison de l'iPhone, les terminaux Android bénéficient d'un prix très attractif dû notamment à la gratuité de l'OS pour les partenaires (Samsung, Motorola, HTC, LG, Sony Ericsson, Acer, etc.). Google peut de fait s'appuyer sur ces acteurs historiques de la téléphonie ce qui lui permet de bénéficier de produits basiques mais fondamentaux (qualité des appels, pas de problème d'antenne…).
Aujourd'hui, l'Android Marketplace compte environ 200 000 applications, dont des déclinaisons intelligentes des services Internet de Google (on n'est jamais mieux servi que par soi même). Parmi ces applications, on trouve bien sûr Gmail, Google Maps ou encore dernièrement, Google Traduction avec la synthèse vocale en français ! Ces applications contribuent indéniablement à valoriser l'approche mobile de Google.
Contrairement à l'univers Apple considéré comme un univers fermé, Android est un système d'exploitation en open source. Tandis qu'Apple attire le grand public en raison d'une ergonomie intelligente et simple d'utilisation, Android remporte l'adhésion des développeurs et des acteurs technologiques qui apprécient la possibilité d'évoluer dans un univers complètement libre.
A long terme, Android s'inscrit dans une stratégie extrêmement bien pensée. Il peut même être vu comme un cheval de Troie pour concurrencer Microsoft dans l'univers du PC. Actuellement, l'importance donnée aux solutions professionnelles de Google ou encore la campagne d'affichage sur son navigateur Chrome révèlent que Google vise en premier lieu l'univers des PCs, la chasse gardée de Microsoft (90% de part de marché). L'accent mis sur les tablettes est ainsi un moyen de challenger Microsoft sur son terrain de prédilection.
Que faut-il attendre pour la suite ? Les prochaines actions de Google dessineront-elles le marché de la mobilité en 2011 ?
Les annonces pour 2011 confirment une vision à long terme de la firme de Mountain View et une mise en perspective de ses atouts naturels. La technologie sans contact (NFC - Near Field Communication) devient un des terrains de jeu de Google. Le smartphone Google Nexus S a été officialisé début décembre et comme annoncé, le terminal fabriqué par Samsung embarque une puce NFC afin de pouvoir notamment servir de porte-monnaie électronique pour le paiement sans contact. La technologie NFC est, pour le géant, l'avenir du paiement.
Le CES de Las Vegas a été également l'occasion de montrer la pertinence de la stratégie multiplateforme : mobile, tablette et TV… Le grand rêve de la TV connectée au Net est plus présent que jamais. Google s'y positionne via la déclinaison d'Androïd pour les TVs et via une approche boîtier connecté pour la Google TV. Un moyen en amenant le Web sur la TV d'affirmer sa suprématie sur les revenus publicitaires sur un canal qui était jusque là une chasse gardée ?
Ces solutions convergentes vraiment abouties ouvrent la voie à des offres packagées et devraient intéresser les acteurs proposant des offres quadruple play, en particulier des acteurs comme Free (affinité technologique, offre infra complète difficilement comprise et doc appréciée par le client) ou encore les MVNOs (mobile virtual network operator), Darty, Virgin et bientôt La Poste.
Cela dit, la plupart des solutions Androïd souffrent de leur origine " geek " et sont encore insuffisamment abouties en terme d'expérience utilisateur. Elles laissent le choix à l'utilisateur dans une offre très complète mais hermétique. L'alliance avec un Free, par exemple, gagnerait à proposer du " prépackaging ", segmenté pour des cibles données mais améliorant l'expérience utilisateur, pour valoriser un bijou technologique encore mal compris du grand public.